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mercredi 16/10/2024

Un psychodrame agite le PS Ville de Genève, sur fond d’accusations de xénophobie

Dorina Xhixho, conseillère personnelle du sortant Sami Kanaan et présidente des LGBTQI+ socialistes genevois, qui crée d’ailleurs la surprise avec de bons scores, avant d’échouer pour six voix
La désignation des candidats à l’élection du Conseil administratif, en mai dernier, suscite une fronde qui va déboucher sur une assemblée générale extraordinaire. En cause: un gel des adhésions en dernière minute qui aurait défavorisé des candidats.
A six mois des élections municipales genevoises, les esprits s’échauffent déjà. Au point de provoquer des guéguerres au sein même des formations politiques. Il en va ainsi au PS Ville de Genève, qui se déchire depuis le mois de mai sur une affaire entourant la désignation des candidats à l’élection au Conseil administratif. Ce jeudi, une assemblée générale extraordinaire aura lieu pour tenter de mettre un terme à ce psychodrame, a appris Le Temps.
Que se passe-t-il donc chez les camarades, la plus grande force politique en ville de Genève? Un gel des adhésions de nouveaux membres en dernière minute, relaté par la RTS en mai, aurait défavorisé des candidats issus de l’immigration. «Cette élection interne a été entachée d’irrégularités statutaires et éthiques et entourée de rumeurs qui pourraient être qualifiées de racistes et xénophobes», estime Vanessa Klein, seule membre du comité à avoir refusé le gel des adhésions.
Pour comprendre ce reproche, il faut remonter au printemps. L’assemblée générale choisit ses deux candidats à l’exécutif parmi sept personnes. Parmi elles, deux représentants issus de l’immigration, dont Dorina Xhixho, conseillère personnelle du sortant Sami Kanaan et présidente des LGBTQI+ socialistes genevois, qui crée d’ailleurs la surprise avec de bons scores, avant d’échouer pour six voix. La sortante Christina Kitsos et Joëlle Bertossa l’emportent, après cinq tours de scrutin. Sur ce ticket repose l’espoir fondé de maintenir les deux sièges socialistes à l’exécutif. Mais certains estiment que le gel des adhésions de potentiels votants a pu fausser la donne.
Contactée, Dorina Xhixho ne cache pas sa colère: «Une semaine avant le gel des adhésions, des rumeurs désagréables ont circulé, prétendant un bourrage des urnes par des albanophones entrés récemment au parti. Idem pour un autre candidat afro-descendant. J’ai été atteinte dans mon image.» Elle l’assure: si elle avait été mauvaise perdante, elle aurait contesté le processus en justice au lieu de soutenir activement une assemblée générale demandée par 44 membres.
Pourquoi avoir refusé des militants, d’ordinaire dragués par les partis? «Cette décision découle du bon sens et d’une stratégie de maîtrise des risques, répond la coprésidente du PS Ville de Genève, Olivia Bessat-Gardet. Nous avons agi par prudence, laquelle peut mener à des frustrations. L’assemblée générale est l’espace idéal pour en discuter.»
Il faut dire que le PS doit vivre avec un passif de nature à le rendre suspicieux. En 2017, avant les élections au Conseil d’Etat et au Grand Conseil, Le Temps révélait que la ville, ainsi que les communes de Vernier et Meyrin, avaient connu des adhésions par wagons. Vernier enregistrait même un bond spectaculaire de 214% par rapport à l’année précédente, avec des familles entières encartées et un nombre important de patronymes albanais. Tout portait alors à croire à des adhésions alibis pour pousser un candidat. Une histoire qui a laissé des traces, même si Olivia Bessat-Gardet assure que ce n’est pas cet historique qui a conduit à geler les adhésions.
Les chiffres actuels ne sont d’ailleurs pas comparables. De six personnes en février, puis huit en mars, elles passent à 13 en avril, soit 27 en tout. Ce n’est pas immense, mais pas insignifiant pour une section qui comptait 368 membres en avril. Président du parti cantonal, Thomas Wenger ne cache pas un certain agacement devant cette affaire qui tombe mal avant les municipales. Il rappelle que ce sont aux sections, autonomes, de gérer les demandes d’adhésion que le canton leur communique: «Mais lors d’un comité directeur, nous avons montré qu’il n’y a pas eu d’adhésions massives, ni provenant de communautés en particulier.»
Une ligne de crête dangereuse
Sûrs de leur bon droit, les mécontents réclament rien de moins que la reconnaissance de la violation des statuts. Pas sûr qu’ils soient suivis. En effet, Olivia Bessat-Gardet souhaite plutôt «clarifier les modalités de suspension avant les élections comme principe, alors que jusqu’ici, il s’agissait d’une pratique non codifiée». Ils espèrent aussi des excuses du parti «pour avoir blessé des membres en stigmatisant et discriminant des communautés».
Sur ce point, la réponse est aussi impressionniste que le tableau est contrasté. Quand on laisse traîner ses oreilles au PS, on entend effectivement le reproche d’un élitisme camouflé sous le vernis des bons sentiments. Ainsi résumé par un membre anonyme: «Pour des raisons électoralistes, le parti met en avant les migrants et les minorités. Mais quand ils approchent du pouvoir, on les taxe de communautaristes pour les en écarter.» Mais on connaît aussi l’argument victimaire brandi par une frange de la gauche et des minorités comme une condition suffisante à l’obtention de quelque chose. Et c’est ainsi que le PS se retrouve contraint de cheminer sur une ligne de crête, dangereuse, que cette affaire met en lumière./Le Temps

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