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samedi 20/04/2024

Rencontre avec Albin Kurti, Premier ministre du Kosovo «Ce que l’Ukraine vit aujourd’hui, nous l’avons vécu il y a 23 ans»

Liens entre guerre du Kosovo et d’Ukraine, relations avec la Serbie, adhésion à l’UE, notre rédacteur en chef Christian Dorer a abordé tous les sujets avec Albin Kurti, Premier ministre du Kosovo.

Interview: Christian Dorer

Il y a encore trois semaines, la guerre du Kosovo était la dernière guerre menée sur territoire européen. Le conflit qui a embrasé ce petit pays des Balkans en 1999, dont l’indépendance a été proclamée en 2008 (mais qui n’est toujours pas reconnu par l’ONU et l’Union européenne, et à laquelle la Serbie s’oppose farouchement) n’est plus qu’un souvenir douloureux. Les stigmates de la guerre sont malgré tout encore bien visibles sur les bâtiments et par la présence de forces d’observation de la paix (dont la Swisscoy, un détachement de militaires suisses) sur son sol.

Autant dire que ces souvenirs sont encore frais. Et ils viennent d’être tristement rappelés à la population kosovare à la suite du déclenchement de la guerre en Ukraine. Celle-ci comporte en effet des similitudes avec la situation serbe: un ancien pays communiste multi-ethnique, un pouvoir central qui s’oppose à l’auto-détermination des peuples et rechigne à perdre le contrôle de territoires, un passé de guerre et de violences. Certains craignent d’ailleurs que le conflit ukrainien ne réveille les velléités serbes, surtout depuis que de nombreux manifestants pro-guerre et pro-russe ont défilé dans les rues serbes.

Le rédacteur en chef de Blick Christian Dorer s’est entretenu avec le Premier ministre kosovar Albin Kurti, qui répond dans cette interview aux questions les plus brûlantes.

Monsieur le Premier ministre, quelles sont vos premières pensées quand vous voyez les images de guerre en provenance d’Ukraine?
Albin Kurti : Je ne suis pas surpris, mais je suis choqué. Rien que le fait d’amasser des militaires à la frontière avec l’Ukraine annonçait ce qui allait se passer. Le Kosovo a tout de suite condamné la guerre. Nous avons une grande admiration et une grande solidarité concernant la lutte pour la liberté du peuple ukrainien et du président Volodymyr Zelensky. Nous soutenons bien entendu les sanctions de l’UE et des États-Unis.

Quelles sont les vieilles blessures qui s’ouvrent à nouveau au Kosovo après ces événements?
En 1998/99, des centaines de massacres ont eu lieu au Kosovo. 12’000 civils ont été tués, plus d’un million ont été chassés de leurs maisons par l’armée serbe. Nous aussi, nous étions alors en guerre pour notre indépendance. Ce que l’Ukraine vit aujourd’hui, nous l’avons vécu il y a 23 ans.

D’où vient la crainte de nombreux pays des Balkans de voir la guerre d’Ukraine se propager?
La Serbie et la Russie ont des liens très étroits. En 2012, il y a eu deux activités militaires communes entre les deux pays. L’année dernière, il y en a eu une centaine. La Serbie n’a toujours pas condamné l’annexion de la Crimée ou l’invasion de l’Ukraine. A cela s’ajoute le fait que le président despotique Poutine pourrait porter la guerre dans un autre pays pour forcer la négociation avec le président Biden. Les Balkans, encore plus proches de l’Occident pourraient être sa cible.

Les habitants du Kosovo ont-ils peur?
Nous n’avons pas peur, mais nous sommes très vigilants. La Serbie a plus de 40 bases militaires à la frontière du Kosovo. Mais nous avons l’OTAN dans le pays, même si nous n’en sommes pas membres, et nous avons l’UE. Avec nos partenaires occidentaux, nous regardons l’avenir avec espoir.

Outre ses liens étroits avec la Russie, pourquoi la Serbie aurait-elle intérêt à une escalade avec le Kosovo?
Tout comme la Russie, la Serbie n’est pas un pays démocratique, mais une autocratie. Poutine a eu trop de pouvoir pendant trop longtemps, tout comme le président serbe Aleksandar Vucic. Il y a trop de similitudes entre les deux pays.

La semaine dernière, la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock s’est rendue au Kosovo. Elle aussi met en garde contre une déstabilisation de la région. De quoi avez-vous discuté avec elle?
Elle avait un point de vue très clair sur ce qui va et ce qui ne va pas. Je me réjouis de travailler avec l’Allemagne. 400’000 Albanais du Kosovo vivent en Allemagne, probablement le seul pays d’Europe avec une diaspora albanaise plus importante que la Suisse. Nous essayons d’utiliser cela comme un pont pour le développement économique du Kosovo. L’année dernière, nous avons connu un grand développement économique avec une croissance de 9,9 pour cent. Les exportations ont augmenté de deux tiers!

Votre pays veut devenir membre de l’UE et de l’OTAN. Est-ce réaliste?
Des périodes comme celle-ci nécessitent des mesures inhabituelles. Avec l’intégration des Balkans occidentaux dans l’UE, leur frontière extérieure se réduirait de 3000 kilomètres. Pour des raisons de sécurité, ce serait bien mieux! Il faut donner une chance aux Balkans et tout particulièrement au Kosovo. Nous allons demander l’adhésion à l’UE cette année.

Tous les pays de l’UE ne reconnaissent pas le Kosovo. Comment comptez-vous changer cela?
Nous sommes en contact intensif avec les cinq pays qui ne nous reconnaissent pas: Espagne, Slovaquie, Grèce, Roumanie et Chypre. Cette année, ils font de grands pas vers la reconnaissance du Kosovo.

Pour entrer dans l’UE, un pays doit avoir une démocratie qui fonctionne, des médias libres et pas de corruption. Or, le Kosovo n’est pas vraiment un modèle à cet égard.
Depuis que notre gouvernement est entré en fonction il y a un an, nous sommes bel et bien un modèle. Nous avons démantelé 60 organisations criminelles. Nous avons arrêté 230 fonctionnaires corrompus. Nous avons combattu le crime organisé. L’emploi et une justice qui fonctionne sont les arguments qui nous ont permis de gagner les élections il y a un an. Depuis, nous avons créé 24’000 nouveaux emplois. Nous faisons de notre mieux pour améliorer notre image.

La Serbie a une longueur d’avance en matière d’adhésion à l’UE et est déjà candidate. La question de l’UE pourrait-elle pacifier définitivement la Serbie et le Kosovo?
Avant cela, la Serbie doit reconnaître le Kosovo. Ils doivent assumer leur passé, prendre leurs distances avec Milosevic. Pas comme la semaine dernière, quand un ministre a déposé des fleurs sur sa tombe. L’UE devrait prendre ses distances par rapport à cela et suspendre les aides financières tant que la Serbie ne partage pas les valeurs de l’UE.

Environ 10% de la population kosovare vit en Suisse. Quelle est l’importance de l’argent de la diaspora pour le Kosovo?
62% des transferts de fonds qui arrivent dans notre pays proviennent de Suisse et d’Allemagne. Il y a tellement d’Albanais en Suisse qui aident notre économie en envoyant de l’argent à leur famille. Mais ce n’est pas tout: beaucoup investissent. Nous devrions profiter de nos liens étroits.

200 soldats suisses sont présents au Kosovo avec la Kfor. Quelle importance cela a-t-il de nos jours?
C’est très important! Il devrait même y avoir plus de soldats suisses au Kosovo. Je voudrais remercier les soldats suisses qui préservent aujourd’hui notre paix et notre stabilité. Je voudrais remercier la Suisse pour tous ses projets d’aide au développement. Et à l’ancienne conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey pour avoir été l’une des premières à reconnaître notre indépendance.

Il y a même une place à Pristina qui porte le nom de Micheline Calmy-Rey.
Oui, elle est toujours la bienvenue chez nous. Je lui donne une invitation valable à vie (Adaptation par Thibault Gilgen)

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